26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 03:28
Une méduse Pelagica noctiluca en Méditerranée, dans les eaux de la Sardaigne. (splashdownDirect /REX/SIPA)Cet été, la France met en place une "météo des méduses" sur jellywatch.fr pour alerter les baigneurs en Méditerranée. Mais le phénomène est planétaire: va-t-on vers un "océan visqueux"?Une méduse Pelagica noctiluca en Méditerranée, dans les eaux de la Sardaigne.
2012 sera-t-elle une nouvelle année des méduses? La question, récurrente depuis une décennie, se pose à l’heure où s’ouvre la saison estivale sur les plages. Cet été, le dispositif de protection des baigneurs monte en puissance avec la mise en place le 1er juillet d’une "météo des méduses" par l’Observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Il s’agit d’émettre un bulletin départemental, sur le site jellywatch.fr, prévoyant les mouvements des bancs de centaines de milliers d’individus avant qu’ils n’échouent sur les plages et ne provoquent des centaines de piqûres (envenimations selon le terme médical). Un simple contact avec leurs longs tentacules aux cellules urticantes suffit en effet à injecter sous la peau des toxines responsables d’irritations et de vives brûlures.
Bulletins météo
méduse méditerranéeA l’instar des prévisions météorologiques, ces bulletins seront le produit d’une modélisation mathématique intégrant des observations faites par des plaisanciers, le recensement des échouages sur les plages effectué depuis 1974 par un biologiste de l’Inserm aujourd’hui retraité, Patrice Bernard, ou par des robots imageurs placés sur des bouées ou des filets. Le tout passé à la moulinette des contraintes de courants et de vents. Au final, les bulletins indiqueront 48 heures à l’avance, sur une échelle de 0 à 5, la probabilité d’arrivée de méduses sur les côtes. Sans garantie. « Météo-France ne fournit pas encore des bulletins sûrs à 100 %, indique Gabriel Gorsky, directeur de l’observatoire de Villefranche-sur-Mer. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que la météo des méduses, qui en est à ses balbutiements, soit totalement fiable. Mais c’est un début.» Et même une première mondiale.
Un lancement limité, cependant, puisqu’il ne s’applique qu’à la Méditerranée et à la seule espèce de méduses dangereuses pour l’homme dans ces eaux : Pelagia noctiluca, ou méduse pélagique (image ci-contre, splashdownDirect /REX/SIPA). Cet animal d’une dizaine de centimètres de couleur mauve tacheté, luisant la nuit, est un organisme simple très fertile, mais mal connu car difficile à élever en laboratoire. « Pelagia a un cycle de vie différent de celui des autres méduses, explique Delphine Thibault-Botha, du Laboratoire d’océanologie physique et biogéochimique de Marseille. Il semble qu’elle se reproduise dans un grand tourbillon entre la Corse et le continent. On sait qu’elle migre verticalement : dans la journée, elle vit entre 300 et 400 mètres de profondeur puis elle remonte à la surface la nuit. Quand elle n’est plus capable d’effectuer ce cycle quotidien, à la recherche de la fraîcheur, elle s’échoue sur les côtes.»
Prolifération après un hiver sec
Les chercheurs de Villefranche-sur-Mer ont par ailleurs établi un lien entre la prolifération de ces méduses l’été et la pluviosité hivernale. « Après un hiver sec, elles sont plus nombreuses, explique Lars Stemman, biologiste à l’observatoire. Les faibles précipitations entraînent en effet une concentration en sel des eaux de surface. Devenues plus denses, celles-ci tombent vers les profondeurs d’où refluent les eaux moins denses. Ce brassage fait remonter les nutriments accumulés au fond et enrichit la mer en plancton, une abondance de nourriture qui est propice à la reproduction et au développement des méduses.» Pour peu que celles-ci prennent un « coup de chaud » du fait du réchauffement des eaux de surface –ponctuel ou non –, les voici groggy, qui dérivent vers les côtes poussées par les vents et les courants.

physalieEst-ce le sort qu’ont connues, l’an dernier, les physalies, Physalia physalis, cousines des méduses, aussi appelées « galères portugaises » ? Ces flotteurs irisés étaient jusqu’à peu surtout connus des côtes d’Australie et de Floride. Mais depuis quatre ans, elles sont apparues en masse sur la façade atlantique française et espagnole. (…)

Physalies: munies de longs filaments parsemés de cellules capables d’injecter du venin, elles sont responsables de lésions cutanées plus douloureuses que celles des méduses. "Le venin provoque des douleurs abdominales, thoraciques, des atteintes respiratoires et neurologiques et des signes neuromusculaires ; 8 % des cas constatés entraînant parfois une hospitalisation" explique Patrick Rolland, de l’Insitut de veille sanitaire (InVS) Aquitaine. (Steve Trewhella /REX/SIPA)
Océan visqueux
De la Méditerranée à l’Atlantique, émerge alors cette question : y a-t-il plus de méduses et autres physalies sur nos côtes ? La réponse est sujette à controverse. «On a tendance à ne noter que les périodes où les méduses prolifèrent et on oublie celles où il n’y en a plus une seule, souligne Delphine Thibault-Botha. Ainsi, il y a eu récemment une arrivée massive de Pelagia dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Une semaine après, elles avaient disparu.»
Néanmoins, il semble bien que, dans certaines régions du monde, la mer soit véritablement en train de se transformer en «océan visqueux», comme l’affirme depuis plusieurs années Jeremy Jackson, océanographe à la Scripps Institution of Oceanography à San Diego (Etats-Unis).

Ainsi, certaines saisons, il arrive que les pêcheurs de Namibie ramènent en biomasse plus de méduses que de poissons dans leurs filets. De même, depuis 2005, les côtes du Japon, de Chine et de Corée du Sud subissent chaque année une invasion de méduses géantes (Nemopilema nomurai), dont l’envergure dépasse deux mètres pour un poids de plus de 200 kg. (…) En 2009, un chalutier de 10 tonnes a même chaviré dans la baie de Tokyo en tentant de remonter un filet empli de ces méduses géantes. Ce phénomène de pullulation, autrefois décennal, est désormais annuel.
Plusieurs facteurs semblent conduire à ces proliférations : augmentation globale de la température de l’eau, surpêche, pollution…m-lise.
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